wallers last trip  
 

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François CHEVASSU, Semaine de la Critique, Cannes 1989

L'intrigue du "Dernier Voyage deWaller" ménage d'autant moins de surprises que le titre désamorce tout eventuel suspense quant à fa fin. Certains ne manqueront pas de dire que cette inttfgue est banale. Ce qui n'est pas faux : banale, elle l’est comme la vie de Waller et de ses semblables. Même s'il a connu la guerre, la perte d'un ami, l'opposition sociale à son amour; la mort d'Angelica; ce qui n 'est quand même pas rien pour un être simple qui ne demandait à la vie qu'un peu de bonheur.
Mais cette relativité de la banalité est encore plus grande quand on abandonne le seul évènementiel pour approcher au plus près un individu. Or, le sujet de Christian Wagner n'est pas cette intrigue exposée au premier degré, mais Waller lui-même, l'itinéraire de cet individu manipulé à son insu (et peut-être au leur) par des « décideurs ». Cheminement de Waller qui, comme sa voie (évidente symbolique d'un destin tracé para autrui), va peu à peu disparaître, se noyer dans une évolution technique et sociale qu'il ne contrôle pas (et qu'il ne cherche d'ailleurs pas à contrôler).
Ce ne peut pas être le réalisme traditionnel qui guide Christian Wagner quand il délabre les stations successives et fait peu à peu disparaître la voie, jusqu’au seul souvenir du ballast alors que cette ligne secondaire n'est en principe, pas encore désaffectée. Marche tranquille et innocente vers la mort de la voie et de la sienne propre, toutes les deux ordonnées par des manipulateurs qui ne sauront prendre en compte ni l'un ni l'autre (ce n'est pas pour rien que l'inspecteur lancé à la recherche de Waller ne parviendra jamais à le joindre dans sa marche tranquille, assignée par l'emploi, et qui ressemble à tout sauf à une fuite physique).
Waller et sa voie sont directement inscrits dans une nature qui rompt avec le quotidien pour mieux s'ouvrir à son imaginaire (et à celui du spectateur). Ces paysages ne constituent pas seulement un décor séduisant. Ils participent directement au film dont ils sont un personnage important. Ce sont eux qui, enchâssant la présence solitaire et silencieuse de Waller, ouvrent l'accès à son monde intérieur; et au vrai sujet du film. Paysages ni neutres ni vraiment accueillants malgré leur apparence première. Car, s’ils imposent toujours une évidente beauté, due pour une grande part à une remarquable utilisation de la couleur; on ne peut ignorer que cette beauté s'appuie constamment sur le recours majoritaire aux couleurs froides. Or, on sait bien que celles-ci n'ont jamais été synonymes d'optimisme, surtout quand on s'emploie, comme ici, à les envelopper d'une brume indécise accusant l'incertitude des choses.

 

 


Reste un monde de transfert de vie àmort, jusqu'à la symbolique disparition de Waller en même temps que de la voie, dans les dernières images. Il n'y a alors plus nulle trace de ces brèves et violentes agressions d'un jaune ou d'un rouge, couleurs étrangères au paysage, rappels des décors de travail ou d'environnement que fuit Waller. Comme le spectateur qui se sera laissé prendre au jeu affectif de Christian Wagner entre couleurs, sons et musique. Et à la présence de Rolf Illig.